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Chute de l’Empire, dix-huitième année...

jeudi 3 janvier 2019, par Frédéric Poncet

Je découvrais il y a deux ans que l’Empire États-unien, était en train de s’effondrer depuis... seize ans. Au moins. Dix-huit maintenant, donc. Une nouvelle étape est franchie : cette fois, c’est la débandade officielle -voir le lien en bas de cette page. Nul imbécile atlantiste ne pourra plus invoquer la « puissance » des États-unis pour refuser de le voir, puisque les institutions elles-mêmes on commencé à se déliter.

On objectera sans doute que le G7 n’est pas une institution, ce qui n’a pas beaucoup de sens en matière de gouvernement mondial puisqu’à ce niveau, force revient toujours... à l’Etat le plus puissant ; et que même une institution comme l’ONU ne tient que tant queles grandes puissances le veulent bien. Aucune institution mondiale n’a, certes, la dimension protocolaire de l’ONU et des milliers de fonctionnaires comme elle ; mais aucune n’est comparable à un Etat face à ses citoyens.

Quoiqu’il en soit, les autres institutions mondiales occidentales ne vont pas tarder à entrer en crise. En particulier l’Otan.

Le retour de l’Empire Britannique

Car la fin d’un Empire, c’est la libération des appétits des vassaux pour prendre la tête de ce qui reste de l’Empire. Ici, ce sera l’Allemagne qui sera ouvertement candidate à diriger l’Occident, puisque la Grande Bretagne a déjà choisi de miser sur d’autres chevaux, d’abord sur la Chine qui est désormais la première puissance économique mondiale (même si personne en occident n’ose encore le reconnaître) ce qui avait motivé le "Brexit", puis, devant les difficultés à concrétiser certains accords avec la Chine, à faire cavalier seul et, c’est officiel, à reconstruire l’Empire Britannique :

http://www.voltairenet.org/IMG/pdf/The_Sunday_Telegraph_December_30_2018_p-10.pdf

Révolution française, phase 3 bis

L’on pouvait certainement se moquer de mon empressement à prévoir une révolution en France il y a presque quatre ans, alors que tout semblait calme. Je n’avais pas imaginé, ou plutôt je n’avais aucun élément précis me permettant de prévoir une série d’attentats et tout ce qui s’ensuit, avec pour effet quasi-automatique de faire revenir le troupeau dans la bergerie.

Je ne boude pas mon plaisir aujourd’hui de lire tant de personne parler très sérieusement de révolution à propos du mouvement des "gilets jaunes". Je ne m’étends pas ici sur l’analyse du mouvement. Oui, il est manifeste qu’il y a eu des tentatives de le provoquer, en provenance de la droite et de l’extrême-droite, revanchardes depuis que leur "victoire" en 2017 leur ait été volée au profit du représentant fraîchement bombardé de l’oligarchie financière. La déclaration de Gérard Larcher le 7 septembre 2018 ne laisse pas beaucoup de doute à ce sujet. Il est tout à fait possible que la Russie et même Steve Bannon, aient joué chacun un rôle dans le déclenchement des évènements.

Mais le mouvement a échappé à ses initiateurs comme un incendie échappe à celui qui craque une allumette. Le peuple qui s’est levé pour bloquer les rond-points de France n’est pas un peuple d’extrême-droite : c’est, comme je le découvrais moi-même à travers une analyse du résultat de l’élection présidentielle de 2012, la frange provinciale du prolétariat qui, échappant à l’influence des partis traditionnels issus du mouvement ouvrier (PCF ou PS) offrait semble-t-il préférentiellement ses suffrages... à Lutte Ouvrière, et non à Le Pen comme le prétendent péremptoirement journalistes et instituts de sondage.

La plateforme revendicative des gilets jaunes corrobore parfaitement cette analyse : à deux points près, qui témoignent de l’influence que tentent d’y exercer la droite et l’extrême-droite, c’est une plateforme sociale extrêmement classique.

Tout fout le camp

Si je traite dans un même article la chute de l’Empire Nord-Atlantique, et la révolution des sans-costards - gilets jaune, c’est parce qu’il existe un déterminant commun aux deux.

Le tissus de mensonges sur lequel reposait l’Empire, comme celui sur lequel reposait la croyance en la démocratie française, sont déchirés. Les journalistes essayent encore de rapiécer voire, simplement, de limiter la propagation des déchirures en combattant avec une ardeur touchante le "complotisme" et les "fakenews" ; ce n’est qu’un symptôme de plus que le phénomène est irréversible.

La chute de l’un nourrit la chute de l’autre : dès lors qu’on remet en cause la véracité d’un discours, tous sont soumis à réexamen.

Plus encore, la fin de l’Empire, si elle n’est pas encore comprise ou perçue par tous, induit en tout état de cause des défections au sein même de la classe dirigeante -l’exemple britannique cité précédemment montre que la classe dirigeante de ce pays l’a, globalement, compris. Ces défections se traduisent par une ambiance de pagaille, de sauve-qui-peut, de chacun-pour-soi, qui a bien évidemment des répercussion dans la politique intérieure des pays. Cette débandade est particulièrement avancée au sein du gouvernement français, avec les démissions successives et fracassantes de Nicolas Hulot, Gérard Collomb, et d’autres moins notoires. Peu importe les raisons personnelles de leurs départs : ils montrent que les objectifs individuels sont désormais perçus comme prioritaires sur les objectifs collectifs.

L’ultime symptôme, à ce jour, est l’ouvrage Crepuscule de Juan Branco. Rédigé trop vite et truffé de phrases difficilement compréhensibles, il n’en est pas moins une mine d’informations sur ce qu’il appelle "le Tout petit Paris", auquel il n’est pas lui-même totalement étranger. Dénonçant l’entre-soi qui prime au sein de la classe dirigeante française, allant jusqu’à des arrangements dans la délivrance de diplômes, il détruit deux des mensonges sur lesquels repose le pouvoir : celui d’une compétence supérieure des dirigeants, et celui de l’alternative démocratique entre gauche et droite (à vrai dire, ce mensonge-là était éventé depuis un bon moment). Il complète l’étude de Monique et Maurice Pinçon-Charlot Sociologie de la bourgeoisie, qui détaillait déjà les pratiques de cet entre-soi, mais sans détailler les parcours individuels à la légitimité discutable voire quasi-nulle, comme le fait Juan Branco.


Voir en ligne : Paris-Match : la franchise de nommer les choses


Je n’irai pas plus loin dans le pronostic de ce qui va suivre. Nous entrons dans une phase de turbulence qui rend les évènements imprévisibles, sauf peut-être les réactions des uns et des autres aux évènements ; en tout cas, pas leurs effets. Que la trahison du roi en 1793 puis sa fuite aient été plus ou moins prévisible dans les années précédentes était une chose, mais rien ne permettait de prévoir qu’il serait arrêté puis condamné à mort. Rien n’annonçait Napoléon, encore moins les presque soixante ans qui seraient nécessaires pour consolider enfin la République en France. Décembre 2018 est sans doute le point de départ d’un nouveau cycle. La suite sera écrite plus rapidement que je ne pourrai le faire ici. Salut et fraternité !