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Mesdames et messieurs les pousseurs de bois...

dimanche 10 décembre 2006, par Frédéric PONCET

On savait depuis 1997 qu’il n’y a aucune intelligence dans le jeu d’échec. L’ordinateur, qui n’est toujours pas capable de dresser un cheval [1], avait réussi à battre le champion du monde en titre.
Certes, pouvaient encore rétorquer les fanatiques de ce jeu, il y avait peut-être un facteur chance. Kasparov n’était pas en forme ce jour-là, il avait bêtement joué comme un ordinateur, etc.

D’ailleurs, ledit Kasparov avait eu sa revanche quelques temps plus tard. Il vait appris, l’ordinateur, non.

Mais la revanche a été de courte durée. Cette fois, comme l’écrit le site futura-science, "la messe est dite". L’ordinateur bat l’être humain aux échecs, c’est incontestable, et ce sera dorénavant toujours le cas.

L’interprétation de ce fait nouveau, pourtant, n’est sans doute pas acquise. Pour certains, il s’agira de la démonstration que l’intelligence artificielle est possible. En particulier, pour tous les matheux qui pensent que l’intelligence suprême est le raisonnement logique.

A ceux-là, je serais tenté de rétorquer qu’on sait depuis longtemps, depuis Babbage au moins, qu’en logique la machine est supérieure à l’homme. Ça ne fait pas un pli.

Pourtant, le fait est qu’on ne peut pas confier n’importe quoi à des machines.

Regardez les filtres anti-spam. Vous avez le meilleur qui soit, et pourtant il ne filtre que 95% des messages. Et il est vraissemblable qu’il en filtrera de moins en moins.

Et s’il en filtrait 100%, seriez vous certain qu’il ne filtrerait pas aussi des messages que vous auriez pourtant aimé recevoir ?

L’intelligence artificielle n’existe pas, tout simplement parce qu’il n’existe pas de définition absolue de l’intelligence. Vous connaissez quelqu’un d’assez intelligent pour essayer de vous en donner une définition ? Tentez l’expérience. Le résultat est garanti : il vous donnera une définition de lui-même. De ce qu’il croît être sa meilleure aptitude intellectuelle.

Maintenant, imaginez que vous fassiez cela avec tous les gens que l’on tient pour intelligents. Vous allez obtenir tout un tas de définitions différentes de l’intelligence.

La recherche en intelligence artificielle a encore de beaux jours devant elle.

Mais pour l’instant, une chose me réjouit : les personnes très fortes au jeu d’échec ne sont finalement... que des êtres humains.

Champagne !


Voir en ligne : Article sur Futura-Science


PS du 1er août 2007. Cet évènement a certainement une portée que j’ai sous-estimée à ce moment-là. Jamais nous n’avons porté aux nues les champions du calcul mental comme nous l’avons fait avec les joueurs d’échec. Il y avait une croyance réelle dans l’intelligence du jeu d’échec. Qu’une aptitude humaine extrêmement valorisée puisse se voir entièrement confiée à une machine, est sauf erreur de ma part un fait totalement nouveau dans l’histoire de l’humanité. Les conséquences sociales de cela sont difficiles à envisager.

Ajout du 7 août 2010 : je me suis beaucoup intéressé, depuis cet article, aux sciences cognitives et un peu à l’intelligence artificielle. Je reformulerai mon point de vue un jour. Le fond du problème est bien la définition de l’intelligence. Mais si l’on parle de "conscience artificielle", alors il n’est pas impossible qu’on parvienne un jour à en créer une. Il semble qu’il n’y ait pas d’impossibilité théorique.
A suivre...


[1Ni de piloter un planeur, sans doute. Le vol-à-voile nécessite de déchiffrer des indices et de les analyser d’une façon bien peu formelle.

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