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Accroissement des inégalités + régime autoritaire = révolution ?
vendredi 18 février 2011, par
Quelle est l’équation qui détermine les phénomènes que la Tunisie et l’Egypte viennent de vivre, et d’autres pays peut-être bientôt ? La façon dont ces sujets sont traités par la presse française, peut engendrer l’impression que l’élément commun à ces pays est leur arabitude, ou peut-être ce qu’il faudrait appeler l’arabo-moyenorientitude... Bref, tout cela serait cohérent parce que ça se passe de l’autre coté de la méditerrannée. L’explication culturelle est toujours tentante, parce qu’elle offre le redoutable confort de ressembler à une explication sans nécessiter beaucoup d’investigations. On nomme les apparences, et voilà le travail. C’est un peu court.
Je me garderai bien pourtant d’évoquer ici ce qui serait la véritable explication des révolutions Tunisienne et Egyptienne. Je connais trop mal ces pays pour cela. Le titre de cet article suggère seulement une piste de recherche, piste d’ailleurs bien explorée déjà par les analystes un peu sérieux.
Ce qui m’intéresse en revanche, c’est de poser la question : les conditions qui ont conduit à cela là-bas, sont-elles réunies ici, en France ?
Il est peu crédible d’entrevoir une révolution en France en 2011 ; même les révolutionnaires autoproclamés restent prudents sur ce point. Je fais donc un pari extrêmement risqué (du point de vue de ma crédibilité politique, s’entend) en réduisant ainsi le phénomène social le plus imprévisible, le plus chaotique qui soit, à une équation aussi basique.
Et pourtant, le gouvernement français est bel et bien en train de perdre le pouvoir. L’attitude de quelques ministres au début de la révolution tunisienne est un des symptômes d’une perte de compréhension totale des événements. Mais il y a bien d’autres choses plus fondamentales. Le conflit avec les magistrats, par exemple. Un des piliers du pouvoir régalien, excusez du peu. Brice Hortefeu a même réussi à provoquer des formes de grèves chez les CRS ! Un autre pilier que l’on fissure, apparemment sans sourciller... Se rend-on bien compte de ce que cela signifie ? Que va-t-il se passer quand les CRS vont être envoyés "au front" contre les marins-pêcheurs ou les routiers en révolte à cause de l’augmentation du prix du carburant ?
(un mot, à ce propos : comme il était plus ou moins prévisible, le cours du pétrole repart sur une pente comparable à celle de 2008. Les conséquences inflationnistes seront les mêmes et plus généralement les répercutions sur l’économie. L’inflation subie par les ménages est déjà beaucoup plus forte que l’indice totalement artificiel produit par l’INSEE ; il y a la une base économique à divers troubles sociaux...)
Nicolas Sarkozy fait sans doute le pari que le pouvoir repose désormais sur la télévision, plus que sur les pouvoirs régaliens classiques. Ce n’est pas faux, mais c’est un pari bien risqué, lui aussi. D’ailleurs, le passage au tout numérique est-il bien maitrisé, politiquement parlant ? Je veux dire : n’y a-t-il pas quelques centaines de milliers de foyers français qui vont se retrouver, pendant quelques semaines, privés de leur dose quotidienne de télévision, faute d’avoir compris et fait à temps ce qu’il faut faire pour passer au numérique ? Gare au résultat ! Ceux la vont redécouvrir qu’ils ont un cerveau, comme un fumeur redécouvre qu’il a des poumons quand il arrête de fumer.
Mais peu importe l’étincelle qui mettra le feu aux poudres. Peu importe telle ou telle condition annexe, peu importe l’ordre dans lequel vont vaciller un à un tous les pouvoirs institutionnels du pays. La principale question qui demeure est celle des forces politiques "opérationnelles" et de quels hommes politiques seront assez audacieux pour saisir les événements. Le pouvoir n’est pas dans la rue : il est encore à l’Elysée. Mais il ne repose plus sur grand-chose de stable.
(à suivre)