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Vous avez dit : économies d’énergie ?
vendredi 9 novembre 2012, par
A l’occasion du vote sur la loi de tarification « sociale » de l’énergie -loi heureusement rejetée- je reviens à la charge contre le chauffage électrique (j’ai pu entendre à la radio, qu’il aurait représenté jusqu’à 40% de la consommation électrique en France durant l’hiver 2012 ; de source plus sérieuse, la surconsommation hivernale représente quand même au moins 10%) et même, plus généralement, contre tout ce qui transforme l’électricité en chaleur.
L’objet de cet article n’est pas la loi en elle-même, bien que son caractère anti-social et écologiquement nul mérite spécialement d’être souligné : non seulement, en surfacturant l’électricité pour les plus gros consommateurs, on aurait pénalisé les locataires, c’est-à-dire en général les moins fortunés, parce qu’ils ne décident pas eux-même du mode de chauffage ni des travaux d’isolation à faire sur leur domicile ; mais de plus, n’obligeant aucunement les propriétaires à réaliser des travaux d’amélioration, elle n’aurait atteint aucun objectif écologique.
J’en viens à l’objet de l’article : les économies d’énergies. Beaucoup de choses sont dites en la matière et, au moins en apparence, beaucoup de choses sont faites. Que les choses faites aient beaucoup de conséquences, c’est une autre histoire... il n’échappe sans doute à aucun observateur attentif que la plupart des mesures prises en la matière, qu’elles soient labellisées "Grenelle de l’environnement" ou qu’elles soient plus anciennes, sont au pire de la gesticulation, au mieux des mesures au bénéfice des professionnels.
Quel est l’objectif ?
Le problème des économies d’énergie est presque toujours présenté, en France du moins, sous l’angle suivant : si chacun économise un peu d’énergie, c’est en fin de compte beaucoup d’énergie qui sera économisée. Et les réponses proposées sont donc toujours en réponse à la question : que peut faire chacun d’entre nous pour économiser l’énergie -avec l’aide de l’Etat si nécessaire, bien entendu.
Cette façon de poser le problème néglige totalement un fait : l’énergie que nous consommons emprunte presque toujours un circuit peu ou prou centralisé -voire totalement dans certains cas.
Vous n’extrayez pas vous-même du sol le pétrole que vous consommez, ni le gaz, et en général vous ne produisez pas vous même votre électricité. Vous achetez vos carburants à de grandes compagnies privées et votre électricité, dans la plupart des cas, à une seule grande compagnie publique.
Or, que dirait-on si les compagnies pétrolières toléraient des fuites sur leurs citernes et leurs pipe-lines, tandis que les particuliers seraient invités à se serrer la ceinture au nom de nécessaires économies d’énergie ? Le scandale serait éclatant.
Le cas de l’électricité
De même, ErDF fait tout son possible pour minimiser les pertes d’énergies lors du transport de l’électricité. Elle tolère, pour des raisons pratiques, 5% de perte. Il serait jugé inadmissible que 30% de l’énergie qui passe par les lignes aériennes serve à chauffer les oiseaux.
Or l’électricité, contrairement aux produits pétroliers, au gaz, au bois ou au charbon, ne nous est pas donnée par la nature [1]. L’électricité que nous utilisons est produite à partir d’un autre vecteur énergétique.
Et c’est là que le bât blesse : cette transformation de l’énergie se fait avec un rendement médiocre. J’avais fait dans un précédent article (sur le chauffage électrique) une estimation du rendement global de celui-ci, c’est-à-dire du rapport entre l’énergie réellement utilisée et l’énergie dite "primaire" consommée. J’y rappelais notamment que, dans le processus de production d’électricité intervient toujours une source de chaleur [2]. A partir de ce fait, dont tout le monde n’est peut-être pas familier mais qui est simple à comprendre, il est évident qu’utiliser une source de chaleur directement pour se chauffer, est toujours plus économe que de la transformer préalablement en électricité, puis à nouveau en chaleur.
Pour le "béotien", il est important de souligner un point important : le progrès technique n’y changera rien. Le rendement maximal théorique d’un moteur thermique est de l’ordre de 60%. (la démonstration théorique peut être facilement trouvée sur internet) Nous sommes actuellement à 40% environ pour les meilleurs moteurs. Le progrès technique nous permettra de tendre vers 60%, mais en aucun cas le dépasser [3].
Les meilleurs chaudières en revanche, atteignent voire dépassent dès aujourd’hui un rendement de 90%. Celles-ci donnent d’ailleurs droit, pour les particuliers qui achètent et font installer un telle chaudière, à une aide publique [4].
Que faire ?
Peut-on interdire à EDF ou autres producteurs, de produire de l’électricité à partir de sources de chaleur ? Nous en sommes loin. Les "experts" d’EDF soutiennent qu’il est impossible de répondre à la demande à partir des seules sources hydraulique, éolienne, photovoltaïque et marémotrice [5]. Admettons-le, pour l’instant.
Pour autant : peut-on tolérer que soient encore fabriquées des machines-à-gaspiller l’énergie ? Car c’est bien ainsi qu’il faut regarder un appareil qui produit de la chaleur à partir d’électricité.
La question est provocatrice : l’auteur de ces lignes lui-même utilise quotidiennement un fer à repasser électrique [6] et, de temps en temps, un appareil à raclette électrique également. Mon lave-linge et mon lave-vaisselle sont alimentés à l’eau chaude : ils ne chauffent donc plus l’eau avec de l’électricité mais au gaz ou aux granulés de bois [7]. J’ai banni de ma vie quotidienne le four, la plaque de cuisson et le chauffe-eau électriques. Le même résultat est obtenu de façon bien plus efficace au gaz [8] ou, pour l’eau chaude, par une chaudière à granulés de bois.
L’élimination progressive, pour autant que la technologie disponible sur le marché le permette, des appareils-à-gaspiller-l’électricité, reste inscrite à mon agenda.
Voir en ligne : Voir aussi le dossier de Négawatts sur la "pointe hivernale" dûe au chauffage électrique.
Incontournable
Il est toujours hasardeux de se livrer à des pronostics, mais je ne prends pas un grand risque en affirmant que l’énergie va devenir beaucoup plus onéreuse qu’aujourd’hui dans la décennie, voire les décennies qui viennent. Qu’on le veuille ou non, qu’on s’y prépare ou non, des mesures radicales contre le gaspillage devront être prises.
Sinon l’interdiction, du moins la limitation du gaspillage par conversion d’électricité en chaleur, fera partie des mesures que les gouvernements les plus avisés devront prendre. Je ne prends pas un grand risque non plus en affirmant que la France ne donnera pas l’exemple, quoique j’espère me tromper...
[1] On domestique très mal l’électricité d’origine atmosphérique ; par ailleurs, malgré ses manifestations spectaculaires, certains estiment que la quantité disponible est très inférieure à ce que nous consommons
[2] Le carburant utilisé dans un moteur thermique est consommé en mode déflagrant et non en combustion lente. Il n’en demeure pas moins que la quantité d’énergie libérée par litre de carburant est toujours la même.
[3] Il faudrait pour cela un moteur capable de supporter des températures qui fragilisent l’acier... nous en sommes loin.
[4] Sous réserve de passer par un professionnel.
[5] Mais, peut-être pour rendre certaine leur affirmation ? Ils poussent à la consommation via le chauffage électrique.
[6] Je n’adopterais sans doute pas un de ces objets qu’on fabriquait au début du vingtième siècle, magnifique au demeurant mais sans doute bien peu pratique. Mais qu’est-ce qui interdit d’imaginer un fer à repasser à cartouche de gaz interne, sur le principe des briquets ? La quantité d’énergie consommée lors d’une séance de repassage ne nécessite pas la présence d’une bouteille de 13 kg.
[7] Le résultat est spectaculaire sur le lave-linge : le programme économique ne consomme plus que 200 Wh électriques alors qu’il en consommait 600 avec le chauffage électrique de l’eau. Les 400 Wh nécessaires pour chauffer l’eau sont maintenant fournis par le gaz, avec un bien meilleur rendement. Raccorder un lave-linge à l’eau chaude est simple mais nécessite d’intercaler un robinet thermostatique et de le régler en fonction du programme utilisé. A quand des lave-linge qui intègrent cette fonction et possèdent une entrée eau chaude en plus de l’entrée au froide ?
[8] L’inconfort du chauffe-eau à gaz instantané n’est plus qu’un vieux souvenir grâce aux robinets thermostatiques. Le confort du chauffe-eau électrique restera définitivement limité par le volume d’eau chaude que peut contenir ballon d’accumulation